THE REPUBLIC OF GUINEA
L'Exception Africaine



M. IBRAHIMA SORY KABA

INTERVIEW AVEC

M. IBRAHIMA SORY KABA

DIRECTEUR GENERAL de la SOCIETE NAVALE DE GUINEENNE (S.N.G.)

4/02/2003
 
Q1 - M. le Directeur, merci beaucoup de nous recevoir. Pour commencer cet entretien, pourriez-vous nous retracer l'historique de la SNG et son évolution ces dernières années ?

A1 - Je vous remercie très sincèrement de nous avoir donner l'opportunité de faire connaître notre société. La Société Navale de Guinée, en abrégé S N G, est une entreprise d'Etat créée par décret (n°195 PRG du 8 mai 1968) et placée sous la tutelle du Ministère chargé des transports. Elle avait pour mission première d'assurer les transports maritimes, côtiers et internationaux, également les opérations de remorquage et la consignation maritime. Pour atteindre ces objectifs, l'Etat Guinéen avait mis à la disposition de la Navale, à l'époque, un minéralier de 15.000 tonnes, un navire réfrigéré de 630 tonnes, un caboteur de 150 tonnes, deux chalands et deux remorqueurs de haute-mer. Ces équipements avaient permis à la S.N.G, en son temps, d'utiliser un personnel naviguant, des marins guinéens ; et à ce titre, la Guinée a été l'un des premier pays, sinon le premier pays Africain, à posséder ses propres navires dont un minéralier qui, à l'époque faisait la fierté de tout Africain. Ce minéralier était le SIMANDOU.

Q2 - Quelle est exactement donc votre relation avec le Port Autonome de Conakry ?

A2 - La Société Navale, en tant qu'armement national, est le 1er utilisateur du Port Autonome de Conakry. C'est notre port d'attache.

Q3 - D'accord, mais qui sont vos clients exactement ?

A3 - Nos clients sont les chargeurs. Par le passé, puisque pour le moment on est dans le cadre du passé, je vous ai parlé tantôt d'un minéralier de 15.000 tonnes qui transportait la bauxite produite par la C.B.G à l'époque. C'était un navire de haute-mer qui desservait les ports Européens, Américains et même Australiens en son temps. La Navale faisait également le remorquage qui, aujourd'hui, a été cédé au Port Autonome de Conakry. A la création du Port Autonome de Conakry, la navale a été amputée de sa section " remorquage " pour permettre au port autonome de faire face aux remboursements des prêts qui ont été consentis pour la création de cette société. Mais il fût un temps où réellement nous avons rencontré des difficultés ; difficultés dues à la rareté du fret, y compris la réduction de nos exportations, je veux parler ici des produits agricoles. Parce que là, il y a toute une histoire.

A l'indépendance de la République de Guinée, vu les conditions dans lesquelles cette indépendance a été acquise, il y a eu des problèmes entre les deux gouvernements d'alors, ce qui a eu pour conséquence l'instauration d'un embargo sur la Guinée.

Q4 - Aujourd'hui on peut dire que ces difficultés font partie du passé ?

A4 - Exactement. Il y a eu une relance depuis une dizaine d'années de ces activités agricoles. Mais cet embargo a quand même marqué, ce qui fait qu'on à été obligé de vendre les moyens navals dont nous disposions. Aussi les coûts d'entretiens et de réparations de ces Unités étaient importantes.

Q5 - Et aujourd'hui, au niveau des moyens mis en œuvre par la S.N.G, quelle est la flotte dont vous disposez ?

A5 - Au jour d'aujourd'hui, nous disposons de deux caboteurs, un caboteur-cargo dénommé le " MV 3 avril " qui a une capacité de 300 tonnes de fret, et l'Overbeck qui est un mixte passager-fret avec une capacité de 60 tonnes de fret et 300 passagers. Donc ces deux navires assurent la desserte de la zone côtière, des pays voisins, notamment la Sierra Léone, le Liberia, la Gambie et la Guinée-Bissau essentiellement. Comme vous devez le savoir, depuis une dizaine d'années, notre sous- région connaît une turbulence. Je veux parler des différentes guerres, tant au Liberia, qu'en Sierra Léone et actuellement en Côte D'ivoire. Le mois dernier par exemple, nous avons assuré le rapatriement des guinéens résidant en Côte D'ivoire ; et l'opération continue. C'est la S.N.G., à travers ces deux caboteurs, qui assure ces différentes opérations aujourd'hui.

Q6 - En terme de flux, quelles sont les quantités transportées aujourd'hui ? Est-ce que vous pourriez nous donner quelques chiffres clés ?

A6 - Sur les 3 derniers exercices, les chiffres clés sont les suivants. Par exemple, en passagers - nous parlons donc du Overbeck - nous avons transporté, en 2000, 15 332 passagers dans la sous région ; en fret 1 044 tonnes ; en véhicules, puisque nous chargeons également des véhicules, 106 véhicules ; et même des bœufs dans le cadre souvent du ravitaillement des troupes dans la sous-région, puisque vous devrez savoir que pour mettre fin quand même à la guerre civile qui a secoué nos deux pays voisins, le Liberia et la Sierra Léone, il y a eu le déploiement des forces de la CEDEAO, l'ECOMOC, dont un contingent guinéen. Dans le cadre du ravitaillement de ces troupes, la S.N.G intervenait.

Q7 - Et concernant le dernier exercice ?

A7 - En 2001, on a transporté 12 760 passagers, 796 tonnes de fret, et 36 véhicules. En 2002, nous avons fait 6786 passagers, 1 565 tonnes de fret, et 16 véhicules.

Q8 - Est-ce que la politique de la SNG consiste à intensifier l'activité de fret et diminuer le nombre de passagers ou c'est juste la conjoncture qui fait qu'il y a moins de passagers et plus de marchandises ?

A8 - Effectivement, c'est lié à la conjoncture parce que comme vous voyez, en 2000, le nombre est beaucoup plus important parce que, pratiquement les 70 à 75% de ces passagers étaient composés de réfugiés. Depuis 2 ans, il y a une accalmie. C'est ce qui explique cette baisse du volume de passagers. Et avec les passagers il y a eu du fret parce qu'en Afrique, généralement, les gens voyagent avec leurs colis.

Q9 - Justement, du fait de ces activités, est ce que vous pouvez nous donner les résultats du dernier exercice ?

A9 - Bien sûr. En 2000, la S.N.G a réalisé un chiffre d'affaire de 2,625 milliards GNF. En 2001, nous avons réalisé un chiffre d'affaire de 2,339 milliards GNF. Pour 2002, les comptes ne sont pas encore fermés au jour d'aujourd'hui, mais déjà nous sommes à 2,756 milliards GNF.

Q10 - Donc une amélioration des résultats de la S.N.G.

A10 - C'est ça.

Q11 - Et combien de personnes travaillent actuellement à la S.N.G pour permettre ce développement de l'activité ?

A11 - Actuellement, nous sommes au nombre de 95 travailleurs classés en 3 catégories. Il y a le personnel permanent dans les bureaux avec un effectif de 41 travailleurs. Nous utilisons des contractuels, c'est à dire les marins, que nous embarquons au niveau des deux caboteurs. Eux, ils le font par roulement parce que la Guinée compte quand même beaucoup de marins. Ils sont à peu près un millier de marins guinéens. Donc nous les prenons par rotation.

Q12 - Mais pas plus d'une cinquantaine ?

A12 - Normalement nous prenons, sur les deux caboteurs, à peu près une quarantaine, par rotation de 6 mois parce qu'il faut donner la chance de travailler à tout le monde. Eux, ce sont des contractuels. On embarque un premier groupe pour 6 mois. Après 6 mois, ils descendent, et il y en a d'autres qui montent. Il y a des temporaires aussi que nous utilisons ; c'est la 3e catégorie. Ce sont généralement les chauffeurs et les gardiens que nous prenons comme temporaires.

Q13 - Quelles sont aujourd'hui les priorités de la S.N.G ? Sur quoi se portent vos efforts ?

A13 - La priorité de la S.N.G aujourd'hui, c'est le renouvellement de nos unités navales. Les deux unités, dont je viens de vous parler, sont dans un état de vétusté assez avancé aujourd'hui. Donc notre priorité absolue est de les renouveler.

Q14 - C'est la priorité n°1 ?

A14 - C'est la priorité n°1. Et dans ce cadre, nous sommes heureux de vous informer qu'au courant du mois de janvier passé, nous avons fait une première acquisition d'un caboteur de 1300 tonnes cette fois-ci.

Q15 - Un troisième bateau alors ?

A15 - C'est déjà dire l'ambition que la S.N.G a d'exercer pleinement sa vocation de transporteur. Ce navire assure donc la desserte des ranges Européens, Europe-Méditerranée et Europe-Afrique, notamment l'Afrique de l'Ouest.

Q16 - Et donc pour renouveler vos unités navales, quelle est votre stratégie ? Est-ce que la S.N.G est à la recherche de nouveaux partenaires, d'investisseurs potentiels ?

A16 - Oui. Depuis quelques temps déjà, la S.N.G a initié une politique de coopération internationale avec d'autres armements étrangers. Donc, dans ce cadre là, nous avons créé deux sociétés : la GISCO (Guinean International Shipping Company), en partenariat avec le groupe TCHACOS, l'armateur grec. Vous le savez certainement puisque c'est pratiquement le successeur d'Aristote Onasis. Donc nous sommes en partenariat avec cette compagnie pour le transport du vrac, notamment la bauxite.

Q17 - Quels sont les autres partenaires ?

A17 - Bon, nous avons un autre partenaire. Cette fois ci, ce sont des américains dans le cadre de AFRIMAR, la société que nous avons créée pour nous impliquer dans le transport du vrac liquide et solide. Très bientôt, au courant du mois de février, nous avons une rencontre importante avec le groupe TCHACOS, rencontre parrainée par le département du Ministère des Transports, en vue de la conclusion d'un accord.

Q18 - Donc les piliers en terme de partenariat, ce sont vraiment TCHACOS et les Américains ?

A18 - Les Américains, c'est la compagnie HARRIS.

Q19 - Et donc, en vous appuyant sur ces deux partenariats, est ce que vous êtes à la recherche active de nouveaux partenaires de grandes sociétés qui pourraient participer à l'augmentation des résultats et au renouvellement des unités ?

A19 - Bien sûr, mais dans l'immédiat, nous comptons sur nos propres ressources pour renouveler les unités actuelles existantes. Le navire des 1300 tonnes a été acquis sur financement propre de la S.N.G. Et en 2003, nous nous positionnons pour l'acquisition d'un ferry, toujours sur fonds propres. Maintenant, dans le cadre du partenariat, nous souhaiterions acquérir des unités navales, sorties de chantier. C'est l'objectif à moyen et long terme de la S.N.G.

Q20 - Et ce pour avoir du matériel de qualité ?

A20 - Exactement, pour exercer pleinement notre fonction et notre vocation de transporteur maritime. Et dans ce cadre, nous avons déjà des contacts avec certains chantiers navals, notamment le chantier PIRIOU en France avec qui, sur la base d'un cahier de charge, on a déjà élaboré un document sur le type de navire intéressant pour la SNG. Ça, ce sont de gros navires sortis de chantier. Nous sommes en contact avec le chantier PIRIOU et également avec le chantier DAMEN en Hollande. Ça, c'est dans le cadre des nouveaux navires sortis, de chantier. Maintenant les caboteurs, c'est sur financement propre de la S.N.G. Ce sont des navires de seconde main.

Q21 - Vous nous avez dit que vous êtes à la SNG depuis 1987, quelle est votre plus grande satisfaction, professionnellement parlant ?

A21 - Sans nul doute, ma plus grande satisfaction aujourd'hui et celle de l'ensemble des travailleurs de la S.N.G, est d'avoir pu acquérir, fin 2002, le navire dont je viens juste de vous parler. Car il faut rappeler que depuis l'avènement de la 2e République, c'est la première fois que la compagnie nationale, sur financements propres, acquiert un navire. Les navires dont je vous ai parlé au départ, ont été acquis dans les années 60, juste à la veille de l'indépendance de la République de Guinée ; et depuis, plus rien. Donc ça, c'est franchement ma satisfaction première au jour d'aujourd'hui.

Q22 - ça marque le pas d'un changement d'ère ?

A22 - Exactement, celui d'un futur radieux et meilleur.

Q23 - Justement, concernant ce futur radieux, est-ce que vous auriez un message final pour nos lecteurs de l'EXPRESS, pour ces investisseurs potentiels ?

A23 - J'ai oublié de vous rappeler que la S.N.G est une Société Anonyme à participation publique ; c'est-à-dire qu'au jour d'aujourd'hui, bien qu'étant étatique, le capital reste ouvert à d'autres investisseurs étrangers et nationaux. Donc, dans ce cadre, nous souhaiterions effectivement la participation d'autres partenaires en vue de parvenir à une acquisition ou des acquisitions de navires neufs pour que des navires battant pavillon guinéen ou pavillon de plaisance puissent quand même sillonner toutes les mers. Donc c'est le message final que je peux adresser à tout investisseur désireux de se joindre à nous pour mener à bien ces objectifs.

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