Q1 - M. le Directeur,
merci beaucoup de nous recevoir. Pour commencer
cet entretien, pourriez-vous nous retracer l'historique
de la SNG et son évolution ces dernières
années ?
A1 - Je vous remercie très sincèrement
de nous avoir donner l'opportunité de faire
connaître notre société. La
Société Navale de Guinée, en
abrégé S N G, est une entreprise d'Etat
créée par décret (n°195
PRG du 8 mai 1968) et placée sous la tutelle
du Ministère chargé des transports.
Elle avait pour mission première d'assurer
les transports maritimes, côtiers et internationaux,
également les opérations de remorquage
et la consignation maritime. Pour atteindre ces
objectifs, l'Etat Guinéen avait mis à
la disposition de la Navale, à l'époque,
un minéralier de 15.000 tonnes, un navire
réfrigéré de 630 tonnes, un
caboteur de 150 tonnes, deux chalands et deux remorqueurs
de haute-mer. Ces équipements avaient permis
à la S.N.G, en son temps, d'utiliser un personnel
naviguant, des marins guinéens ; et à
ce titre, la Guinée a été l'un
des premier pays, sinon le premier pays Africain,
à posséder ses propres navires dont
un minéralier qui, à l'époque
faisait la fierté de tout Africain. Ce minéralier
était le SIMANDOU.
Q2 - Quelle est exactement donc votre relation
avec le Port Autonome de Conakry ?
A2 - La Société Navale, en
tant qu'armement national, est le 1er utilisateur
du Port Autonome de Conakry. C'est notre port d'attache.
Q3 - D'accord, mais qui sont vos clients exactement
?
A3 - Nos clients sont les chargeurs. Par
le passé, puisque pour le moment on est dans
le cadre du passé, je vous ai parlé
tantôt d'un minéralier de 15.000 tonnes
qui transportait la bauxite produite par la C.B.G
à l'époque. C'était un navire
de haute-mer qui desservait les ports Européens,
Américains et même Australiens en son
temps. La Navale faisait également le remorquage
qui, aujourd'hui, a été cédé
au Port Autonome de Conakry. A la création
du Port Autonome de Conakry, la navale a été
amputée de sa section " remorquage "
pour permettre au port autonome de faire face aux
remboursements des prêts qui ont été
consentis pour la création de cette société.
Mais il fût un temps où réellement
nous avons rencontré des difficultés
; difficultés dues à la rareté
du fret, y compris la réduction de nos exportations,
je veux parler ici des produits agricoles. Parce
que là, il y a toute une histoire.
A l'indépendance de la République
de Guinée, vu les conditions dans lesquelles
cette indépendance a été
acquise, il y a eu des problèmes entre
les deux gouvernements d'alors, ce qui a eu pour
conséquence l'instauration d'un embargo
sur la Guinée.
Q4 - Aujourd'hui on peut dire que ces difficultés
font partie du passé ?
A4 - Exactement. Il y a eu une relance depuis
une dizaine d'années de ces activités
agricoles. Mais cet embargo a quand même marqué,
ce qui fait qu'on à été obligé
de vendre les moyens navals dont nous disposions.
Aussi les coûts d'entretiens et de réparations
de ces Unités étaient importantes.
Q5 - Et aujourd'hui, au niveau des moyens
mis en uvre par la S.N.G, quelle est la
flotte dont vous disposez ?
A5 - Au jour d'aujourd'hui, nous disposons
de deux caboteurs, un caboteur-cargo dénommé
le " MV 3 avril " qui a une capacité
de 300 tonnes de fret, et l'Overbeck qui est un
mixte passager-fret avec une capacité de
60 tonnes de fret et 300 passagers. Donc ces deux
navires assurent la desserte de la zone côtière,
des pays voisins, notamment la Sierra Léone,
le Liberia, la Gambie et la Guinée-Bissau
essentiellement. Comme vous devez le savoir, depuis
une dizaine d'années, notre sous- région
connaît une turbulence. Je veux parler des
différentes guerres, tant au Liberia, qu'en
Sierra Léone et actuellement en Côte
D'ivoire. Le mois dernier par exemple, nous avons
assuré le rapatriement des guinéens
résidant en Côte D'ivoire ; et l'opération
continue. C'est la S.N.G., à travers ces
deux caboteurs, qui assure ces différentes
opérations aujourd'hui.
Q6 - En terme de flux, quelles sont les quantités
transportées aujourd'hui ? Est-ce que vous
pourriez nous donner quelques chiffres clés
?
A6 - Sur les 3 derniers exercices, les chiffres
clés sont les suivants. Par exemple, en passagers
- nous parlons donc du Overbeck - nous avons transporté,
en 2000, 15 332 passagers dans la sous région
; en fret 1 044 tonnes ; en véhicules, puisque
nous chargeons également des véhicules,
106 véhicules ; et même des bufs
dans le cadre souvent du ravitaillement des troupes
dans la sous-région, puisque vous devrez
savoir que pour mettre fin quand même à
la guerre civile qui a secoué nos deux pays
voisins, le Liberia et la Sierra Léone, il
y a eu le déploiement des forces de la CEDEAO,
l'ECOMOC, dont un contingent guinéen. Dans
le cadre du ravitaillement de ces troupes, la S.N.G
intervenait.
Q7 - Et concernant le dernier exercice ?
A7 - En 2001, on a transporté 12 760
passagers, 796 tonnes de fret, et 36 véhicules.
En 2002, nous avons fait 6786 passagers, 1 565 tonnes
de fret, et 16 véhicules.
Q8 - Est-ce que la politique de la SNG consiste
à intensifier l'activité de fret
et diminuer le nombre de passagers ou c'est juste
la conjoncture qui fait qu'il y a moins de passagers
et plus de marchandises ?
A8 - Effectivement, c'est lié à
la conjoncture parce que comme vous voyez, en 2000,
le nombre est beaucoup plus important parce que,
pratiquement les 70 à 75% de ces passagers
étaient composés de réfugiés.
Depuis 2 ans, il y a une accalmie. C'est ce qui
explique cette baisse du volume de passagers. Et
avec les passagers il y a eu du fret parce qu'en
Afrique, généralement, les gens voyagent
avec leurs colis.
Q9 - Justement, du fait de ces activités,
est ce que vous pouvez nous donner les résultats
du dernier exercice ?
A9 - Bien sûr. En 2000, la S.N.G a
réalisé un chiffre d'affaire de 2,625
milliards GNF. En 2001, nous avons réalisé
un chiffre d'affaire de 2,339 milliards GNF. Pour
2002, les comptes ne sont pas encore fermés
au jour d'aujourd'hui, mais déjà nous
sommes à 2,756 milliards GNF.
Q10 - Donc une amélioration des résultats
de la S.N.G.
A10 - C'est ça.
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Q11 - Et combien
de personnes travaillent actuellement à la
S.N.G pour permettre ce développement de
l'activité ?
A11 - Actuellement, nous sommes au nombre
de 95 travailleurs classés en 3 catégories.
Il y a le personnel permanent dans les bureaux avec
un effectif de 41 travailleurs. Nous utilisons des
contractuels, c'est à dire les marins, que
nous embarquons au niveau des deux caboteurs. Eux,
ils le font par roulement parce que la Guinée
compte quand même beaucoup de marins. Ils
sont à peu près un millier de marins
guinéens. Donc nous les prenons par rotation.
Q12 - Mais pas plus d'une cinquantaine ?
A12 - Normalement nous prenons, sur les deux
caboteurs, à peu près une quarantaine,
par rotation de 6 mois parce qu'il faut donner la
chance de travailler à tout le monde. Eux,
ce sont des contractuels. On embarque un premier
groupe pour 6 mois. Après 6 mois, ils descendent,
et il y en a d'autres qui montent. Il y a des temporaires
aussi que nous utilisons ; c'est la 3e catégorie.
Ce sont généralement les chauffeurs
et les gardiens que nous prenons comme temporaires.
Q13 - Quelles sont aujourd'hui les priorités
de la S.N.G ? Sur quoi se portent vos efforts
?
A13 - La priorité de la S.N.G aujourd'hui,
c'est le renouvellement de nos unités navales.
Les deux unités, dont je viens de vous parler,
sont dans un état de vétusté
assez avancé aujourd'hui. Donc notre priorité
absolue est de les renouveler.
Q14 - C'est la priorité n°1 ?
A14 - C'est la priorité n°1. Et
dans ce cadre, nous sommes heureux de vous informer
qu'au courant du mois de janvier passé, nous
avons fait une première acquisition d'un
caboteur de 1300 tonnes cette fois-ci.
Q15 - Un troisième bateau alors ?
A15 - C'est déjà dire l'ambition
que la S.N.G a d'exercer pleinement sa vocation
de transporteur. Ce navire assure donc la desserte
des ranges Européens, Europe-Méditerranée
et Europe-Afrique, notamment l'Afrique de l'Ouest.
Q16 - Et donc pour renouveler vos unités
navales, quelle est votre stratégie ? Est-ce
que la S.N.G est à la recherche de nouveaux
partenaires, d'investisseurs potentiels ?
A16 - Oui. Depuis quelques temps déjà,
la S.N.G a initié une politique de coopération
internationale avec d'autres armements étrangers.
Donc, dans ce cadre là, nous avons créé
deux sociétés : la GISCO (Guinean
International Shipping Company), en partenariat
avec le groupe TCHACOS, l'armateur grec. Vous le
savez certainement puisque c'est pratiquement le
successeur d'Aristote Onasis. Donc nous sommes en
partenariat avec cette compagnie pour le transport
du vrac, notamment la bauxite.
Q17 - Quels sont les autres partenaires ?
A17 - Bon, nous avons un autre partenaire.
Cette fois ci, ce sont des américains dans
le cadre de AFRIMAR, la société que
nous avons créée pour nous impliquer
dans le transport du vrac liquide et solide. Très
bientôt, au courant du mois de février,
nous avons une rencontre importante avec le groupe
TCHACOS, rencontre parrainée par le département
du Ministère des Transports, en vue de la
conclusion d'un accord.
Q18 - Donc les piliers en terme de partenariat,
ce sont vraiment TCHACOS et les Américains
?
A18 - Les Américains, c'est la compagnie
HARRIS.
Q19 - Et donc, en vous appuyant sur ces deux
partenariats, est ce que vous êtes à
la recherche active de nouveaux partenaires de
grandes sociétés qui pourraient
participer à l'augmentation des résultats
et au renouvellement des unités ?
A19 - Bien sûr, mais dans l'immédiat,
nous comptons sur nos propres ressources pour renouveler
les unités actuelles existantes. Le navire
des 1300 tonnes a été acquis sur financement
propre de la S.N.G. Et en 2003, nous nous positionnons
pour l'acquisition d'un ferry, toujours sur fonds
propres. Maintenant, dans le cadre du partenariat,
nous souhaiterions acquérir des unités
navales, sorties de chantier. C'est l'objectif à
moyen et long terme de la S.N.G.
Q20 - Et ce pour avoir du matériel
de qualité ?
A20 - Exactement, pour exercer pleinement
notre fonction et notre vocation de transporteur
maritime. Et dans ce cadre, nous avons déjà
des contacts avec certains chantiers navals, notamment
le chantier PIRIOU en France avec qui, sur la base
d'un cahier de charge, on a déjà élaboré
un document sur le type de navire intéressant
pour la SNG. Ça, ce sont de gros navires
sortis de chantier. Nous sommes en contact avec
le chantier PIRIOU et également avec le chantier
DAMEN en Hollande. Ça, c'est dans le cadre
des nouveaux navires sortis, de chantier. Maintenant
les caboteurs, c'est sur financement propre de la
S.N.G. Ce sont des navires de seconde main.
Q21 - Vous nous avez dit que vous êtes
à la SNG depuis 1987, quelle est votre
plus grande satisfaction, professionnellement
parlant ?
A21 - Sans nul doute, ma plus grande satisfaction
aujourd'hui et celle de l'ensemble des travailleurs
de la S.N.G, est d'avoir pu acquérir, fin
2002, le navire dont je viens juste de vous parler.
Car il faut rappeler que depuis l'avènement
de la 2e République, c'est la première
fois que la compagnie nationale, sur financements
propres, acquiert un navire. Les navires dont je
vous ai parlé au départ, ont été
acquis dans les années 60, juste à
la veille de l'indépendance de la République
de Guinée ; et depuis, plus rien. Donc ça,
c'est franchement ma satisfaction première
au jour d'aujourd'hui.
Q22 - ça marque le pas d'un changement
d'ère ?
A22 - Exactement, celui d'un futur radieux
et meilleur.
Q23 - Justement, concernant ce futur radieux,
est-ce que vous auriez un message final pour nos
lecteurs de l'EXPRESS, pour ces investisseurs
potentiels ?
A23 - J'ai oublié de vous rappeler
que la S.N.G est une Société Anonyme
à participation publique ; c'est-à-dire
qu'au jour d'aujourd'hui, bien qu'étant étatique,
le capital reste ouvert à d'autres investisseurs
étrangers et nationaux. Donc, dans ce cadre,
nous souhaiterions effectivement la participation
d'autres partenaires en vue de parvenir à
une acquisition ou des acquisitions de navires neufs
pour que des navires battant pavillon guinéen
ou pavillon de plaisance puissent quand même
sillonner toutes les mers. Donc c'est le message
final que je peux adresser à tout investisseur
désireux de se joindre à nous pour
mener à bien ces objectifs. |